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Roman feuilleton
Épisode 20

Dive Bar - 1016 K St, Sacramento, CA 95814

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https://youtu.be/-UJCu9IUZYg

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Le Dive Bar se trouve au 1016 K Street, entre la rue J et la rue L, ce qui me semble logique, dans l’ordre de l’alphabet. À angle droit, les rues portent des numéros, ce qui est classique aux États-Unis. J’ai l’intention de me stationner au parking qui se trouve juste derrière le Dive Bar, parking dont l’entrée se trouve dans la 10ème rue, entre la rue K et la rue L, qui elle n’a rien d’une ruelle.

Mais, alors que je passe lentement devant le Dive Bar, un homme portant un uniforme vert pomme et orange vif ainsi qu’une casquette bleu ciel, du plus bel effet, me fait signe de m’arrêter. J’obtempère, en bon américain habitué au respect de l’uniforme, même s’il est d’une couleur inhabituelle. L’homme s’adresse à moi avec un léger accent italien :

  • Bonjour Monsieur Schneider, vous êtes attendu à l’intérieur ; puis-je m’occuper de votre voiture ?

  • Bonjour ! Vous êtes le voiturier ?

  • En quelque sorte, mais uniquement pour vous.

  • J’apprécie ! Merci beaucoup.

Je lui laisse l’émetteur récepteur miniature qui sert de clé et me dirige vers l’entrée du bar. Luxe inutile, puisque le roadster sait se garer seul et revenir sur convocation, depuis la dernière mise à jour du logiciel. Tiens, histoire de rigoler, je vais envoyer le roadster stationner à l’autre bout de la ville en mode « Père Noël ». Il libérera le clown-voiturier après immobilisation. Je programme également un rire sardonique à l’ouverture des portes, suivi de trois coups de klaxon « pouet pouet pouet » quand il sera sorti et que la porte se sera refermée. C’est trop drôle ! Satisfait de ma plaisanterie, j’entre dans le bar de très bonne humeur.

Le Dive Bar est un endroit assez délirant, en plein centre de Sacramento, pas très loin mais en dehors du vieux centre historique qui évoque les villes de western avec ses saloons et ses boutiques anciennes, faites de vieilles planches de bois, du moins en façade. Le Dive Bar est proche du Capitole de l’état de Californie, bâtiment néoclassique construit entre 1861 et 1874, regroupant un musée et le siège des institutions de l’état de Californie, assemblée et sénat ainsi que le gouverneur de l’état de Californie.

L’intérêt du Dive Bar est à l’intérieur plus qu’à l’extérieur. Au-dessus du long bar en marbre, un grand aquarium présente en live, à heures fixes sauf en cas de maintenance, un spectacle de sirènes ou de tritons au milieu de poissons multicolores. Les tritons sont des éphèbes, équivalents masculins des sirènes. Il en faut pour tous les goûts !

L’ambiance musicale est assurée par un DJ et une sono surpuissante. Les clients assurent l’animation avec l’aide de quelques habitués probablement incités au délire par le propriétaire. On aime venir au Dive Bar pour se défouler ! J’avoue que c’est tout à fait le style d’ambiance que je recherche, une certaine sophistication dans le délire. C’est tellement californien, dépenser beaucoup d’argent pour faire n’importe quoi, sans raison, sans autre motivation que de déconner un max, mais toujours avec décontraction, naturel et un certain négligé chic. J’adore ! Allez savoir pourquoi je préfère ça aux discussions philosophiques de comptoir au bar du marché de l’avenue Lénine à La Courneuve ! On va encore me trouver snob. Eh bien, tant pis, j’assume ! Et d’ailleurs, qu’irais-je faire à la Courneuve ?

Harry intervient dans mes réflexions :

  • Il y a un joli parc à La Courneuve où se déroule la fête de l’Humanité !

  • Oui, mais je n’ai pas envie d’y aller. Ma religion me l’interdit.

  • Tu y es pourtant allé il y a longtemps, assister à un concert de Peter Gabriel qui venait d’enregistrer son premier album solo.

  • Oui. Mais c’était il y a longtemps ; il y avait Peter Gabriel. Et je n’étais pas encore converti.

  • Et si l’on prévoyait de finir la tournée mondiale à la fête de l’Huma en septembre 2021 ?

  • Mouais, je ne le sens pas vraiment… tu penses qu’ils accepteraient un ultra-libéral, un libertarien comme moi ?

  • Pourquoi pas ! Ils ont déjà fricoté avec d’autres anarchistes et les extrêmes s’attirent.

Il m’attend en souriant au bar avec une bouteille de mon champagne préféré. Comment a-t-il fait pour l’obtenir ? Mystère…

Un triton s’agite au-dessus de sa tête, dans l’aquarium, tandis qu’il remplit deux verres à champagne.

En musique d’ambiance, une version édulcorée très jazzy de « My heart will go on » passe en sourdine à cette heure calme. La foule n’est pas encore arrivée avec ses délires. Nous serons tranquilles pour discuter.

  • Bonjour Franck ! Tu as l’air en pleine forme.

  • Bonjour Tony, toi aussi !

  • Au fait, tu viens d’expédier Umberto à l’autre bout de la ville. Je voulais te présenter ton nouveau Responsable de la Communication.

J’éclate de rire. J’aurais dû me douter que c’était un communicant et pas un clown ou un voiturier ! Là j’ai fait fort. Je n’arrive pas à m’arrêter de rire. J’essaye de me contrôler mais plus j’essaye de redevenir sérieux, plus ça repart. Même Tony est rigolard en me voyant dans cet état. Nous en avons les larmes aux yeux. Dans un hoquet, je réussis à dire :

  • Il faut que je rappelle le roadster.

Quelques manipulations sur mon iPhone et c’est fait. Je laisse quand même la surprise programmée à l’arrivée. On ne se refait pas !

Pour nous calmer, nous restons silencieux et buvons chacun une gorgée de champagne. Les yeux restent pétillants, et le rire n’est pas loin. Après quelques instants Tony prend la parole :

  • Avant qu’Umberto ne soit de retour, je voudrais te parler de ton job, celui que t’a confié Harry. Tu peux considérer qu’il est terminé et que c’est un succès. Harry est très satisfait.

  • Christina est guérie ?

  • Non, mais Harry ne t’a pas demandé de la guérir ! Tu n’es pas médecin. Il t’a demandé de lui donner un coup de main. Le coup de main a été donné et donné de main de maître.

  • Mais, est-ce qu’elle va s’en sortir ?

  • Personne ne le sait.

  • Même Harry ?

  • Même Harry, sauf s’il va se promener au niveau N+2. Il en a la possibilité puisqu’il fait partie du comité de direction, mais je n’en sais pas plus. Je ne pense pas que cela soit souhaitable.

  • Pourquoi ?

  • Parce qu’il faut respecter la règle du jeu. Christina doit mobiliser seule toutes ses ressources pour sortir de l’ornière du cancer. Tu l’as déjà énormément aidée. Son moral est nettement meilleur. Les conditions matérielles sont idéales. Maintenant c’est à elle de jouer. N’essaye plus d’effectuer des manipulations dans le tenseur. Tu risquerais de créer une dislocation dans sa structure qui nécessiterait une intervention du Grand Architecte lui-même.

  • Je comprends mais je me sens frustré.

  • La seule concession que nous pouvons t’accorder et que de toute façon nous ne pouvons pas empêcher, est que tu continues à entretenir l’amour désintéressé que tu manifestes à Christina. Il est très fort, il est pur, même si par moment ta libido se manifeste, mais ce n’est pas l’essentiel. Christina ressent toutes les ondes positives que tu lui envoies. Le seul risque est qu’elle finisse par tomber amoureuse de toi, si ce n’est déjà fait et là je ne réponds pas de la réaction de Linda. C’est à toi de gérer ce risque.

Je suis ébahi par cette analyse rapide de Tony mais elle me semble parfaitement exacte. J’aime Christina et il est vraisemblable qu’elle m’aime aussi. Comment puis-je me sortir de ce dilemme ?

L’arrivée tonitruante du roadster me sort de ces pensées profondes. J’entends un rire sardonique prolongé, suivi d’un claquement de porte et puis le pouet pouet pouet tant attendu résonne dans la rue. S’ensuit une série de jurons en italien « vaffanculo bastardo ! stronzo ! pezzo di merda ! »

Umberto semble calmé lorsqu’il arrive à notre hauteur :

  • J’ai eu oune petit incidente avec la machina.

Il parle maintenant avec un accent italien très prononcé. Visiblement, cette petite balade en roadster lui a fait perdre de sa superbe. Je suis écroulé de rire. Tony en entendant les bruits du roadster a explosé de rire, lui aussi. Nous n’en pouvons plus. Tony tente difficilement de s’excuser de notre attitude :

  • Umberto, tou as eu une petit problème ? Excuse-nous de rire mais Franck vient de me raconter une histoire cochonne pendant que l’on t’attendait.

  • Quelle histoire ? répond Umberto encore un peu énervé.

Je lui réponds sans réfléchir :

  • L’histoire du spermatozoïde boiteux

Ce qui provoque une nouvelle explosion de rire de Tony. Les clients et les serveurs nous regardent avec curiosité. Qu’est-ce qui peut provoquer une telle hilarité chez ces deux gentlemen ? Et pourquoi le troisième n’a-t-il pas l’air de trouver ça drôle ?

 

FIN DE LA SAISON 1

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https://www.youtube.com/watch?v=41P8UxneDJE

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