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Roman feuilleton
Saison 2 - Épisode 6

Après avoir consulté deux agences immobilières spécialisées dans les locaux commerciaux pour leur exprimer mon besoin, je décide d’aller faire un tour en avion.

Je convoque mon roadster pour me rendre à l’aéroport d’Oakland où se trouve mon Piper M600, nouvellement acquis, un appareil à turbopropulseur et doté d’une hélice à 5 pales, particulièrement efficace. Tandis que le roadster monte la rampe du garage suivi par le SUV Mercedes et les gardes du corps, je croise Christina dans l’entrée. Je lui fais la bise et lui propose spontanément de venir avec moi jusqu’à Shelter Cove en avion. Je ne peux plus me passer d’elle ! Elle accepte avec empressement.

J’appelle alors Linda pour la prévenir de notre petite escapade touristique.

  • Je vais faire un tour avec Christina jusqu’à Shelter Cove.

  • Avec le Piper ?

  • Oui, pas en voiture !

  • Je dois me rendre à Atlanta jusqu’à lundi pour un nouveau projet que nous venons de signer. Si tu veux passer le week-end à Shelter Cove, profite de l’occasion !

Je suis un peu surpris par sa suggestion et un rien émoustillé par la perspective.

  • Cela ne te dérange pas que je passe un week-end avec Christina ?

  • Je ne vois pas pourquoi ! Sauf si vous dormez dans le même lit, mais tu ne l’envisages pas sérieusement ?

  • Cela sera difficile de résister à la tentation !

  • On ne plaisante pas avec ces choses-là ! Gros bisous, je te laisse. Amuse-toi bien !

Elle raccroche, me laissant perplexe. Je relate notre discussion à Christina et lui propose, si elle est d’accord, d’aller chercher un bagage léger pour le week-end. Elle accepte, me laissant seul dans l’entrée. Je m’apprête à faire de même quand la nouvelle recrue, Amber, prévenue je ne sais comment, m’apporte un sac de voyage rempli.

Je m’installe à l’arrière du roadster, laissant la place du conducteur à l’agent de sécurité et la place du passager à Christina.

L’agenda ayant été initialisé, le GPS est déjà programmé sur la destination aéroport d’Oakland. Christina arrive avec son sac de voyage, un peu rouge par la précipitation. Elle est superbe.

Le convoi s’ébranle en silence. « Écouter Simon and Garfunkel. Bridge over Troubled Water » dis-je, déclenchant la lecture du morceau en streaming sur la sono du roadster.

Et je chantonne, accompagnant Art Garfunkel :

« When you're weary, feeling small
When tears are in your eyes, I'll dry them all
I'm on your side, oh, when times get rough
And friends just can't be found
Like a bridge over troubled water
I will lay me down
Like a bridge over troubled water
I will lay me down

 

When you're down and out
When you're on the street
When evening falls so hard
I will comfort you (ooo)
I'll take your part, oh, when darkness comes
And pain is all around
Like a bridge over troubled water
I will lay me down
Like a bridge over troubled water
I will lay me down

 

Sail on silver girl
Sail on by
Your time has come to shine
All your dreams are on their way
See how they shine
Oh, if you need a friend
I'm sailing right behind
Like a bridge over troubled water
I will ease your mind
Like a bridge over troubled water
I will ease your mind »

 

« I will lay me down » : je serai un soutien, je me sacrifierai ! Je le pense vraiment, même si j’ai plutôt envie de chanter « I will lay you down » : je vais t’aider ou peut-être je vais te coucher, t’allonger (sur le lit). Cette phrase est pleine de sous-entendus ! Et j’ai même envie d’ajouter comme dans la chanson de Jon Bon Jovi « I want to lay you down on a bed of roses » Je veux t’allonger sur un lit de roses » mais sans les épines.

Nous arrivons à l’aéroport. J’ai demandé que l’on prépare mon avion et enregistré un plan de vol, même si cela n’est pas obligatoire pour un vol aussi court, moins d’une heure de vol jusqu’à l’atterrissage sur le petit aéroport public de Shelter Cove (identifiant FAA : OQ5), sans tour de contrôle et sans aucune assistance, un endroit merveilleux, isolé à 5 heures de route de San Francisco par une route sinueuse au travers de la forêt et de la montagne. Aucune route ne longe la côte à cet endroit, nommé « La côte perdue ».

J’ai envie d’être seul avec Christina. Je demande à mes gardes du corps de nous laisser faire le voyage sans eux. Après une longue discussion téléphonique avec Umberto, ils finissent par accepter. Ouf ! Enfin tranquille(s) !

Je prends les commandes tandis que Christina s’installe sur le siège du copilote. Elle semble un peu impressionnée par le poste de pilotage, très sophistiqué.

Après avoir établi le contact avec la tour de contrôle, je roule sur le taxiway jusqu’à la piste où je m’immobilise à bonne distance d’un Airbus A320 de Delta Airlines, à destination de Salt Lake City, afin de ne pas subir le souffle de ses réacteurs.

Après le décollage de l’Airbus A 320, j’attends une bonne minute que les remous soient calmés et demande l’autorisation de décoller.

L’accélération est impressionnante pour un avion de cette taille. Même si l’on est loin des caractéristiques du roadster Tesla, le turbopropulseur Pratt & Whitney de 600 chevaux exprime toute sa puissance, rassurante au décollage.

La distance nécessaire pour décoller ou atterrir est de 800 mètres. Pas de problème à Oakland, mais à Shelter Cove, il n’y aura rien de trop ! La piste mesure 1000 mètres et l’atterrissage se fait manuellement. La challenge est intéressant, mais je n’en parle pas à ma passagère.

Je rejoins rapidement la côte et la suit vers le nord quart nord-ouest à une hauteur de 7 450 mètres, ce qui correspond au niveau 245, jusqu’à Point Arena. Le vol se fait en VFR et la vue est splendide. Sous un grand soleil, le ciel est bleu presque limpide en cette fin de matinée avec quelques traces de brume à basse altitude. Je me sens parfaitement bien. Christina a les yeux grands ouverts. Elle semble émerveillée. Nous ne parlons pas. Je ressens un léger point à l’estomac, pas désagréable, lié au vertige causé par l’altitude et probablement à la présence d’une jolie femme à côté de moi.

À 65% de la puissance, la vitesse de croisière est de 480 km/h.

À Point Arena, je change de cap et me dirige maintenant vers Mendocino, Shelter Cove étant dans l’alignement de ma trajectoire. Avec un léger vent de travers nord nord-ouest, l’atterrissage du sud vers le nord ne devrait pas poser de problème.

À 11 heures 20, nous nous posons sur la piste pratiquement située au milieu du terrain de golf et des maisons. Je freine sur toute la distance et tourne à droite au bout de la piste vers la voie de circulation jusqu’au parking. Il n’y a qu’un avion, le mien. Le vent marin un peu frais nous fouette le visage. L’odeur est enivrante. Nous sommes seuls au milieu de nulle part. Je me sens jeune et beau, éclatant de santé. Et quand je regarde Christina, je suis tout simplement heureux. Je vis l’instant présent. Je vis le bonheur parfait. Le temps s’est arrêté.

Nos deux sacs de voyage étant munis de bretelles, nous mettons tous deux notre sac sur le dos. Après avoir fermé l’avion, nous partons main dans la main, tels deux jeunes mariés en randonnée, à pied vers le chemin qui longe la côte.

En passant près du phare rouge et blanc, nous croisons un homme qui se présente comme un retraité installé ici depuis quelques années. Il est d’origine allemande et parle avec un léger accent. Il est en train de repeindre le phare. C’est sa façon à lui de rendre service à la communauté locale tout en s’occupant. Il nous parle également de la partie de pêche de la veille au cours de laquelle il a capturé un énorme flétan. Il a l’air aussi heureux que nous. Nous le quittons en lui souhaitant une excellente journée.

Je n’ai pas réservé d’hôtel. Cela me rappelle le temps où j’étais jeune et où je partais à l’aventure sans savoir à l’avance où cela me mènerait. J’étais libre, jeune et insouciant. Le monde m’appartenait.

Le monde m’appartient encore aujourd’hui.

Nous marchons le long de Lower Pacific Drive sans nous presser, jusqu’à Wave Drive où nous tournons vers l’auberge de la Côte perdue « Inn of The Lost Coast ».

Le signe « Vacancy » est vert ! Chic, il y a des chambres libres ! À cette époque de l’année, ce n’est pas une surprise. Je n’ai pas pris beaucoup de risque en ne réservant pas.

Nous entrons dans l’auberge. Une dame nous souhaite la bienvenue comme si elle s’attendait à nous voir.

  • Bonjour les amoureux ! L’avion qui vient d’atterrir, c’était vous, je suppose !

  • Oui. Bonjour Madame.

  • Pas de chichi entre nous ! Appelez-moi Brenda.

  • OK Brenda. Est-il possible d’avoir deux chambres avec vue sur l’océan ?

  • Deux chambres ???

Christina intervient :

  • Franck, je n’ai pas envie de dormir seule. Puis-je dormir avec toi ?

Je suis un peu estomaqué. Brenda réplique :

  • Hé alors Franck, on n’est pas dans son assiette aujourd’hui ? C’est la mauvaise période ? Vous n’allez quand même pas repousser une poulette aussi bien roulée, quoi !

J’éclate de rire.

  • Bon OK. Une chambre avec deux grands lits.

Elle me regarde d’un air sombre.

  • Nous n’avons pas ça ici. Que des chambres avec un lit double. Avec ou sans jacuzzi ?

  • Donnez-nous votre plus belle chambre avec jacuzzi et plus si vous avez !

  • Je peux vous proposer la « deluxe spa suite » à 350 dollars la nuit. Combien de temps comptez-vous rester ?

  • 3 nuits ; OK pour la « deluxe spa suite » !

  • C’est payable d’avance !

Je lui remets 1100 dollars en liquide.

  • Vous pouvez garder la monnaie Brenda.

  • Merci Franck. Finalement vous êtes un chic type. Occupez-vous bien de Mademoiselle !

  • Pas de problème Brenda. Je vais la chouchouter. Elle sera comme une poule en pâte, heu, enfin, ce n’est pas comme ça que cela se dit en anglais, elle sera comme un lapin dans du trèfle (like a rabbit in clover) ! Et ce sera aussi douillet qu’un insecte dans une couverture (as snug as a bug in a rug).

  • Quoi ? Il n’y a pas d’insecte dans les couvertures ici !

  • Ce n’est pas ce que je voulais dire ! C’est une expression anglaise qui veut dire qu’une punaise dans un lit se sent aussi bien en Angleterre qu’un lapin au milieu du trèfle ici et en France on parle de coq en pâte, ce qui est encore plus bizarre, j’en conviens. On en restera donc au lapin dans du trèfle ; c’est plus propre qu’un insecte dans un lit et moins gore qu’un coq cuit dans la pâte.

Christina qui connaît mon sens de l’humour m’observe en train de me dépêtrer de cette situation un peu embarrassante. Elle sourit.

  • Écoutez Brenda, je vais bien m’occuper d’elle. Je la nourrirai, je la chérirai, et pour tout dire, je l’aime à la folie mais je suis déjà marié. Voilà, vous savez tout.

Cela ferait de bonnes paroles pour une future chanson, non ? À voir. Brenda me regarde de plus en plus bizarrement. J’ai l’impression qu’elle me prend pour un sadique ou un tueur en série. Elle finit par dire :

  • Franck, je n’ai rien entendu. Je ne veux rien savoir de vos turpitudes. Je vous trouve quand même un peu bizarre. Avec votre accent, vous ne seriez pas un peu français par hasard ?

  • Si ! Je suis français mais j’habite en Californie depuis longtemps.

  • Vous savez, cela ne se guérit pas ! Pourquoi ne l’avez-vous pas dit plus tôt ? Je comprends mieux à présent. Je vous laisse. Bonne installation !

Inn of the Lost Coast 205 Wave Drive - Shelter Cove, CA 95589

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