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Roman feuilleton
Épisode 9

Restaurant Baumé - 201 South California Avenue, Palo Alto, CA 94306

Il est 18 heures 30. Le concert est terminé. Max m’a rejoint dans le public pour échanger quelques mots, ce qui a provoqué des remous autour de nous. J’ai dû retenir Linda pour qu’elle ne se fasse pas piétiner. Max a été obligé de signer des autographes et d’accepter des selfies, y compris avec moi ! Finalement, nous n’avons pas pu parler. Il s’est fait récupérer manu militari par son service d’ordre. Bye Max ! Bye Franck ! See you soon. C’est tout. C’est fini.

Tandis que nous remontons main dans la main vers le parking, je me pose à nouveau la question : Suis-je heureux ? La réponse est oui car je suis avec Linda et ma vie est intense, c’est le moins que l’on puisse dire !

Mais, toujours, ce sentiment d’inachevé, de fuite en avant, de regrets ? Tout va trop vite. Je n’ai pas le temps d’apprécier ce qui m’arrive, qu’il faut déjà passer à autre chose. J’ai faim. Je crois que c’est bon signe ! Quand l’appétit va, tout va…

Nous retrouvons notre roadster magique ; il faudra quand même que j’essaye le mode « Père Noël » à mon initiative la prochaine fois ! Mais pas dans l’immédiat, pas ici. Il faut trouver un restaurant. Je me souviens de Lure + Till, un restaurant que j’avais apprécié il y cinq ou six ans. On y servait des menus à base de produits locaux, issus de la baie, dont certains étaient bio. Il n’est pas très loin de Stanford, de l’autre côté de El Camino Real sur Hamilton Avenue, juste en dessous de l’hôtel Epiphany. C’est le nouveau centre-ville de Palo Alto, plus branché que le centre historique, situé au sud, là où se trouve l’hôtel California. Malheureusement, je constate que Lure + Till a fermé définitivement début 2017. Dommage ! Tout change. « All things must pass » chantait George Harrison peu après la séparation des Beatles.

Nous décidons alors d’aller chez Baumé, un restaurant français haut de gamme, récompensé par 2 étoiles au fameux Guide Michelin. Je réserve deux couverts pour 19 heures. Nous retournons donc vers California Avenue à Palo Alto, au 201 South California Avenue, pour être précis.

La salle n’est pas très grande et les quelques tables sont séparées les unes des autres par des rideaux orange. On ne voit pas les autres convives. C’est hyper luxueux. On a l’impression d’un dîner privé. Pour rentabiliser un tel restaurant, les additions doivent être plus que salées ! Mais peu importe, ma femme est riche… Je souris de cette réflexion pas machiste du tout. J’adore me faire inviter par Linda et aux États-Unis, cela ne choque pas. Les femmes aiment montrer qu’elles sont les égales des hommes, que dis-je ! supérieures aux hommes, qu’elles gagnent beaucoup d’argent et elles n’hésitent pas à le dépenser sans compter.

J’aime lui faire ce petit plaisir, cela ne coûte rien, comme disait feu mon beau-père, père de mon ex, lorsqu’il mettait en avant la petite attention qu’il avait eue pour l’un de ses proches. Attentionné certes, mais il fallait que cela se sache ! À quoi bon être généreux si personne ne le sait ! Je souris à nouveau de ces pensées. Malgré quelques dissensions, je l’aimais bien mon beau-père. Bourré de défauts mais sympathique et agréable à vivre, toujours prêt à rendre service, avec un sens de l’humour parfois involontaire, un homme quoi !

Je relis l’avis du Michelin 2020 :

​

Une cuisine d’exception. Vaut le détour ! Très bon standing. Les meilleurs produits magnifiés par le savoir-faire et l’inspiration d’un chef de talent, qui signe, avec son équipe, des assiettes subtiles et percutantes, parfois très originales.

C’est une affaire de famille. Bruno Chemel dirige la brigade. Madame Chemel règne sur la salle et leur fils de 15 ou 16 ans, sophistiqué comme un majordome anglais éduqué en Suisse, assure une bonne partie du service. Impressionnant !

Je fais un tour sur le site du restaurant et note quelques informations intéressantes :

We do serve Seasonal Tasting Menu Only. Note : "No miniature portion." Et aussi en gras : Sorry. No babies or small kids allowed.

Cela sent une grande expérience de la région ! On va vous nourrir correctement. C’est français, c’est hors de prix, c’est même complètement délirant mais ce n’est pas parce que vous pouvez vous le payer qu’il faut vous croire permis de faire chier tout le monde avec vos horribles marmots qui courent dans tous les sens en hurlant !

Très très haut de gamme, en effet ! Les riches américains adorent. C’est tellement élitiste ! The place to be. Réservé à la haute société. Parvenus, issus des classes moyennes habitués à ce qu’ils pensent être un bon restaurant américain si l’on y sert d’excellents hamburgers frites à 80 dollars, s’abstenir absolument ! C’est trop ésotérique pour vous et surtout beaucoup trop cher. Il faut prévoir un minimum de 500 à 1000 dollars par personne avec les vins. Et pire, il n’y a aucune limite. Nous sommes dans la Silicon Valley, que diable ! On retrouve à ce propos quelques commentaires désabusés sur TripAdvisor de visiteurs qui ont cru s’être fait avoir. Mais non, vous n’étiez tout simplement pas à votre place. Faut pas jouer les riches quand on n’a pas le sou chantait Jacques Brel ; cela reste vrai.

Comme Linda a bien précisé en arrivant que c’était elle qui invitait, j’ai droit à une carte sans prix ; très drôle ! Nous sommes vraiment en Californie. Je ne suis pas loin d’éclater de rire. Et dire que certains meurent de faim en ce bas monde ! Ici on joue à cache-cache avec le prix de la nourriture.

Un menu unique est imposé ; il change chaque jour. Seul le choix des vins avec possibilité d’appairage est laissé aux convives.

  • Avec le foie gras je prendrais bien un verre de château Yquem 2009, qu’en dis-tu chérie ?

J’ai l’impression qu’elle vient de déglutir difficilement, mais non, ce n’était qu’une impression. Elle acquiesce sans sourciller.

  • OK, je prends la même chose que toi.

Je m’interroge sur le prix de cette petite entrée sympathique. Cela doit dépasser l’entendement. Cela me rappelle Las Vegas lorsque nous nous sommes mariés il y a dix ans. On avait bien déliré.

Avec le filet mignon de bœuf accompagné de ses petits légumes je pense qu’un château Margaux 2000 s’impose. Linda va-t-elle me suivre ? Non, pas cette fois-ci ! Elle choisit un verre de château Ducru-Beaucaillou 2009, un cru noté 100 par Parker. Je reconnais bien là l’expertise de Linda et celle de Bruno Chemel qui le propose ! À ce niveau d’excellence, on ne plaisante pas !

J’ai l’impression que nous ne sommes pas très sérieux. Pour me faire remarquer, je parle français avec le jeune serveur, fils des patrons, qui lui le parle parfaitement mais avec un léger accent américain. Les autres convives ne nous voient pas mais peuvent nous entendre. Je cultive donc le mystère. Linda me comprend mais préfère parler anglais. Nous jouons les stars, décontractés et un peu allumés aussi. Nous parlons d’Elon Musk, de Max Jury, du concert à Stanford, de mon groupe et de la société de design de Linda, dans le désordre.

C’est un peu du grand n’importe quoi ! Cabotin, snobinard, je me sens un peu honteux. Ce n’est pas ma vraie nature. En fait, je suis très simple et d’un abord facile (J’en ris). Et modeste aussi ! (Je ris à nouveau).

Après un dessert délicieux mais vite expédié, nous remercions le chef pour sa prestation éblouissante, son épouse pour le service exceptionnel. Linda règle l’addition avec sa carte platinum qui dispose d’un crédit suffisant. Je laisse un pourboire impérial en liquide pour le fils et le personnel que nous n’avons pas vu, puis nous partons, heureux d’avoir contribué au rayonnement culturel de la gastronomie française.

Le roadster nous ramène rapidement à notre villa en mode autonome ou presque. J’essayerai le mode « Père Noël » demain.

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